– Monsieur Choucorée, allongez-vous, je vous en prie. Qu’est-ce qui vous amène ?

– Le doute, Docteur, le doute. J’ai l’impression de remettre en question tous mes choix de vie, de boire la tasse, de voir le verre à moitié vide, de me sentir tout sauf robusta face à la vie.

– Vous êtes marié ?

– Oui, et ça devient compliqué même avec ma femme : volutes et vapeurs, un vrai téléphone arabica quand je lui parle.

– Détendez-vous. Prenez une grande inspiration. Parlez-moi de vos parents.

– Ils sont nés en Ethiopie. Mon père en avait un sacré grain, ma mère broyait du noir. Je faisais régulièrement des cauchemars, je me sentais torréfié dès qu’il s’agissait d’aller au lit. Puis je suis arrivé ici par container, et les gens ont commencé à me mettre en boîte. Au début j’ai trouvé que c’était tout sauf équitable, puis j’ai acheté ma Kawasaki qui m’a redonné confiance en moi. J’étais un Café In, j’avais la cote.

– Que s’est-il passé ensuite ?

– C’est à ce moment-là que j’ai rencontré celle qui allait devenir ma femme. Une italienne, belle robe de surcroît. Au début, c’était Au Lait Au Lait. Puis, elle a commencé à me casser du sucre sur le dos. La coupelle était pleine, je ne pouvais plus y aller avec le dos de la cuillère. J’ai réagi, j’ai commencé à bouillir et c’était déjà foutu.

Il était trop tard et je me suis noyé dans l’Irish Coffee.

– Et maintenant ?

– Maintenant ? Vous en avez de bonnes, Docteur. Je ne peux pas lire l’avenir dans mon propre marc. Je suis noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir. J’aimerais troquer ma vie contre une autre, plus gourmande, crème ou noisette, voire à l’italienne.

– Ecoutez, je pense honnêtement que rien ne vous en empêche. Mon conseil est le suivant : laissez infuser tout ça, vous venez de passer à la casserole et vous devez sentir le moulin qui tourne. Ce n’est pas évident, de tout sortir du pot comme ça. Vous avez parlé sans filtre. Je pense que vous pourriez maintenant vous tourner vers un avenir plus soluble, allonger vos pourboires pour partir avec le double express de neuf heures et voyager un peu, au propre comme au figuré. Vous avez besoin d’un bon bol d’air.

– Vous avez raison, Doc. Je pourrais devenir turque, Americano, Chick Corea voire chicorée. Je peux me décaféiner. Il s’agit simplement de regarder vers l’avant, d’embrasser mon destin, ouvrir un café-concert, un théière-lieu où tout le monde se sentirait bien, ou un café-philo où l’on débattrait d’humour noir. Merci du fond de la graine, Docteur.

– Je vous en prie, c’était une séance bien caféconde. Voilà l’addition, cela fera un euro vingt, vous pouvez régler en Carte Noire. On se retrouve la semaine prochaine ?

– Je pars dans le Calvados, j’y ai quelques affaires à régler. Je vous tiendrai au courant.

Chou-Raveur

Son sens de la teuf n’est pas piqué des hannetons

Dans le monde réel, Julien est journaliste, référenceur et musicien. Il ne sait pas encore ce qu’il veut faire quand il sera grand, mais ça ne l’empêche pas d’avancer.

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2 commentaire

  1. Bravo, j’ai bien aimé. Parfait pour s’instruire avec humour à la pause déjeuner. Je vais tester le gâteau à la choucroute 50g ça doit pas trop se sentir.

    1. Merci Sylvie ! Tu nous donneras ton compte rendu sur le gâteau à la choucroute ! 😀

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